Kim Tschang-Yeul est surnommé le "peintre de la goutte d'eau". L'artiste sud-coréen, disparu le mois dernier à l'âge de 91 ans, a consacré sa carrière à représenter ce motif de manière hyperréaliste. Cette semaine, nous vous présentons un ensemble de six gravures aux gouttes d'eau et calligraphies.
Kim Tschang-Yeul (1929-2021)
Gouttes d'eau et calligraphie, 1995
Si gravures originales à l'aquatinte, signées au crayon par l'artiste & justifiées
Ces six estampes reprennent deux motifs récurrents dans l'œuvre de Kim Tschang-Yeul : la calligraphie et la goutte d'eau. Ils sont indissociables de son travail. Pour bien les comprendre, revenons sur l'histoire de l'artiste.
Entre tradition et modernité
Kim Tschang-Yeul est né en 1929 à Maing-San, un petit village de Corée du Nord sous occupation japonaise. Son grand-père paternel, calligraphe émérite, l'initie à l'art de la calligraphie. Passionné par les maîtres anciens, il pratique la copie, notamment des œuvres de Léonard de Vinci qu'il admire. En 1946, il quitte la Corée du Nord alors occupée par les soviétiques pour la Corée du Sud. Il commence à étudier l'histoire de l'art à l'université de Séoul. Il est prend part au conflit qui éclate quelques années plus tard entre les deux Corées. Forcé à se battre aux côtés du Nord, il déserte pour finalement s'engager au Sud.
La goutte d'eau
Après le conflit, Kim Tschang-Yeul demeure en quête de sens. Il s'installe en France, dans l'Essonne et entreprend des recherches sur la goutte d'eau. Il exploite alors les possibilités infinies de la représentation de ce motif. Sa légèreté et sa pureté permettent à l'artiste de surmonter les traumatismes causés par les différents conflits auxquels il a assisté. La représentation de la goutte devient comme exercice exutoire intime mais également un cheminement méditatif. Il photographie minutieusement tous les types de gouttes d'eau : goutte de pluie, rosée, condensation… Pour l'artiste, sa représentation devient presque une obsession, un besoin.
Kim Tschang-Yeul atteint l'hyperréalisme du motif par une longue étude mimétique.
Comme dans cette suite de gravures, des caractères chinois surgissent en arrière-plan telle une réminiscence de son apprentissage de la calligraphie.
En 1973, il remporte le premier prix de la XIIe Biennale de Sao Paulo. Cette distinction le propulse sur la scène internationale et l'amène à présenter ses œuvres à travers le monde. Un musée lui est entièrement consacré sur l'île de Jegu. Reconnu comme un « Maître » en Corée du Sud, il a aidé des artistes français (César, Claude Viallat…) à exposer dans le pays.
Avec la goutte d'eau, Kim Tschang-Yeul combine la calligraphie, art ancestral lié à sa culture et la goutte d'eau, un motif entre abstraction et hyperréalisme.