Street art : Ces œuvres qui s’arrachent !
Découvrez cette semaine notre dossier spécial street art. On vous parle du vol de l'oeuvre de Banksy et de la complexité de définir la propriété d'une oeuvre d'art urbain.
L'information a fait le tour du monde ! Une oeuvre de Banksy a été dérobée cette semaine à Paris. Cette dernière se trouvait à quelques pas du Centre Pompidou, à l’arrière d’un panneau de signalisation. Le musée, qui a constaté la disparation de l’œuvre a d’ailleurs rapidement réagi et affirme avoir : déposé plainte ce jour, mardi 3 septembre, pour vol et dégradation, au sein d’un espace relevant de son périmètre ». « On présume que le panneau métallique a été découpé à la scie. Nous ne sommes pas propriétaires de l’œuvre, c’est pour cela que nous portons plainte pour dégradation ».
L’œuvre était apparue en juin 2018 et l’artiste avait rapidement revendiqué la paternité de l’œuvre en postant la photo du pochoir sur son compte Instagram. L’œuvre représente un rat au museau masqué, chevauchant un cutter, probablement en référence aux pochoirs manié par le street artiste.
Photo visible sur le compte Instagram de l'artiste © Banksy
Le galeriste Baptise Ozenne, spécialiste en art urbain a été l’un des premiers à protéger les œuvres de Banksy dans Paris en apposant des plaques de plexiglass. L’œuvre attirait déjà les convoitises l’été dernier et des individus avait tenté d’arracher la plaque de plexiglass.
Il existe un véritable marché des œuvres de Banksy qu’elles soient prélevées dans la rue ou non. En 2018, chez Sotheby’s, L’œuvre la petite fille au ballon s’est vendue pour 1,2 millions d’euros pour finir par s’autodétruire sous les yeux ébahit du public présent dans la salle. Il existe aujourd’hui un marché des pochoirs de Banksy se trouvant sur des murs de particuliers. Certains galeristes les revendent parfois jusqu’à 600 0000 euros.
Ce nouveau vol vient s’ajouter aux nombreux que subissent les street artistes. Non surveillées, les œuvres de rue sont des proies faciles pour les voleurs qui ont connaissance de l’engouement que suscite les artistes de street art.
Ces dernières années, le vol de ces œuvres sont en constante augmentation et notamment parce qu’il y a n’y aucune protection juridique qui permet de les protéger. Quand un artiste a réalisé une œuvre dans la rue, qui est le propriétaire ? L’artiste, le propriétaire du support ou tout le monde ? En droit, le vol est la « soustraction frauduleuse de la chose d’autrui». On peut donc penser que ce n’est pas tant l’œuvre qui fait l’objet du vol ou de la dégradation mais plutôt le support. Ainsi, dans le cas où il y a eu vol d’une œuvre de street art, c’est le propriétaire du support qui peut faire intervenir son droit de propriété corporelle. Cependant, une autre notion intéressante rentre en jeu, celle du droit moral de l’artiste. Si son œuvre est utilisée sans son autorisation, il subit un préjudice. L’œuvre ne peut donc pas être utilisée à des fins de reproduction, d’exposition sauf en cas d’accord.
De cette façon, en 2016, l’artiste Space Invader avait perdu son procès. Trois ans auparavant, deux individus avait décollé des carreaux de mosaïque d’une de ses œuvres. Les deux prévenus avaient fait l'objet d'un rappel à la loi des chefs de dégradation de bien privé et vol. L’artiste les a poursuivis devant le tribunal correctionnel en leur demandant 18 000 euros de dommages et intérêt. Ils avaient été relaxés et le tribunal a considéré qu'il "n'est nullement établi que les prévenus avaient une quelconque intention de diffuser cette œuvre, l'affirmation selon laquelle ils avaient l'intention de "la revendre comme des tableaux de chevalet" n'étant étayée par aucun élément de la procédure, les deux prévenus ayant déclaré de manière constante qu'ils souhaitaient la garder pour eux".
Un "Space Invaders" dans les rues de Paris / PIERRE GAUTHERON / HANS LUCAS / AFP
Le problème de la propriété des œuvres de street art n'a rien de neuf : dès les années 80, les peintures de Keith Haring étaient déjà arrachées de leurs supports dans le métro new-yorkais. La solution pour éviter des vols serait peut-être de mettre en place des espaces spécifiques destinés au street-artistes comme à paris avec le mur Oberkampf ou à Rennes avec l’installation d’un panneau géant faisant office de mur. L’artiste Blek Le Rat l'a inauguré avec une œuvre réalisée au pochoir. Un des écueils avec ce type de support est que l’artiste perd de sa liberté de réaliser l’œuvre où bon lui semble. De plus, ces murs peuvent rapidement être dégradés comme cela a été le cas à Rennes trois jours à peine après la réalisation de l’œuvre par l’artiste.
L'oeuvre de Blek Le rat sur le Mur de Rennes déjà dégradée / J. Gicquel / 20 Minutes
Mais les artistes peuvent aussi faire les frais de leur art. En 2016, L’artiste Thoma Vuille a comparu devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir refusé de payer les 1800 € de dommages et intérêts que la RATP lui réclame. La régie des transports parisiens n’a pas apprécié les réalisations de l’artiste sur les murs de la station alors en travaux. L’artiste avait trouvé les murs gris et tristes, il savait pertinemment qu’ils allaient être recouverts par du carrelage blanc comme c’est le cas dans presque toutes les stations de métro. Il écopera finalement d’une amende de 500 €.